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Comment la crypto-finance profite des difficultés bancaires actuelles


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    Le siège de la start-up SEBA Bank à Zoug. swissinfo.ch

    Selon Päivi Rekonen, présidente de SEBA Bank, la récente crise bancaire n’a pas affecté la clientèle de sa jeune crypto-banque. Bien au contraire, les demandes d’ouverture de comptes auraient même augmenté. Entretien.

    Ce contenu a été publié le 03 avril 2023 - 12:15

    C’est dans la ville de Zoug que Päivi Rekonen (54 ans), présidente du conseil d’administration de SEBA Bank, a donné rendez-vous à swissinfo.ch. Comme SEBA Bank, qui emploie environ 120 employés dans cinq pays, est une crypto-banque créée en 2018, on pouvait presque s’attendre à une interview dans un garage. Ou dans un hangar rempli de jeunes spécialistes en informatique. Mais le siège zougois de SEBA Bank ressemble beaucoup plus aux locaux luxueux d’une banque privée qu’à ceux d’une start-up technologique.

    Originaire de Finlande, Päivi Rekonen est titulaire d'un master en sciences économiques ainsi que d'un master en sciences sociales de l'université finlandaise de Jyväskylä. Au cours de sa carrière internationale, elle a assumé une multitude de rôles stratégiques dans la transformation numérique, notamment chez Cisco, Nokia, UBS, Credit Suisse et Adecco. Päivi Rekonen siège également dans plusieurs conseils d'administration d'entreprises internationales (Wipro, Konecranes, etc.) Depuis septembre 2020, elle préside le conseil d'administration de SEBA Bank. DR

    swissinfo.ch: Dans votre Finlande natale, la parité homme-femme est exemplaire. Quid de votre pays d’accueil, la Suisse?

    Päivi Rekonen: Chaque pays se développe différemment. En Finlande, nous avons eu un énorme besoin de main-d’œuvre lors de notre industrialisation naissante, durant et après la Seconde guerre mondiale. Comme les femmes ont participé à cet effort, elles sont naturellement rentrées de plain-pied dans le monde du travail. De plus, la législation et la sécurité sociale ont été graduellement adaptées pour soutenir les familles, par exemple avec des crèches.

    En ce qui me concerne, j’ai toujours travaillé dans des domaines technologiques pour le compte de grandes multinationales, notamment en Suisse. Il y a une vingtaine d’années, j’étais très souvent la seule femme. Heureusement, la situation a bien évolué depuis. 

    Qu'est-ce qui vous plaît et déplaît en Suisse?

    Avec mon mari, nous sommes arrivés en Suisse il y a un bon nombre d’années. Nous pensions initialement être de passage mais nous sommes tombés amoureux de ce petit pays très international et fort dynamique. Et nous avons décidé de nous y établir. Au risque de vous étonner, j’ai beau chercher mais je ne trouve rien qui me déplaise en Suisse.

    «J’ai beau chercher mais je ne trouve rien qui me déplaise en Suisse»

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    Les dirigeants de start-ups sont souvent très jeunes. Par contraste, votre CEO et vous-même avez chacun plus de trente années d'expérience.

    Au sein de notre banque, nous sommes en faveur de la diversité, notamment en ce qui concerne l’âge. Personnellement, j’ai vécu le développement et l’adoption de plusieurs technologies innovantes. Et cela sur plusieurs cycles. Toutes ces expériences, connaissances et compétences devraient nous aider à prendre de meilleures décisions et à éviter les écueils. Mais au-delà de nos différences, nous sommes avant tout unis par une même passion pour la blockchain et les crypto-technologies.

    SEBA Bank est une «crypto-banque». Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire? 

    Nous sommes une banque suisse similaire aux autres banques suisses. Nous sommes donc au bénéfice d’une licence bancaire de la FINMA, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers. Par conséquent, l’ensemble de nos activités est régulé et contrôlé par cette autorité de surveillance.

    Notre banque offre une multitude de services aux investisseurs privés et institutionnels, par exemple la gestion des avoirs, la fourniture de cartes de crédit ou l’octroi de prêts. Mais, en plus de tout cela, nous disposons d’une infrastructure et de compétences spécifiques dans les actifs numériques tels que les cryptomonnaies.

    Quels sont les avantages de votre spécialisation dans les actifs numériques?

    Un nombre croissant d’investisseurs souhaitent investir une partie de leurs avoirs dans des cryptomonnaies comme les bitcoins ou les ethers. Ces investisseurs peuvent le faire eux-mêmes mais cela est compliqué. Et c’est surtout risqué si le stockage des actifs numériques n’est pas effectué correctement: en cas de piratage, ces investisseurs peuvent tout perdre.

    Notre banque offre donc à ces investisseurs non seulement une grande facilité d’utilisation mais également un stockage hautement sécurisé de leurs cryptomonnaies. De plus, nous pouvons par exemple lier un compte en bitcoin avec d’autres produits comme les cartes de crédit. Finalement, de nombreuses banques traditionnelles font appel à nos crypto-compétences pour gérer les actifs numériques de leur clientèle.

    Votre site web est exclusivement dans la langue de Shakespeare. Votre clientèle potentielle est-elle uniquement anglophone?

    L’anglais est de facto la langue de la finance. Comme nos ambitions sont mondiales et que nous sommes encore une start-up, nous avons décidé d’utiliser pour l’heure l’anglais comme langue unique.

    Quid de votre développement en Suisse et à l’étranger?

    Nous sommes en pleine croissance et sur le point d’engager des nouvelles personnes à Zoug et à l’étranger, en l’occurrence à Abu Dhabi, Hong Kong et Singapour. À l’international, nous engageons des talents pour renforcer nos contacts directs avec notre clientèle, pour autant que les juridictions correspondantes le permettent, ainsi que pour mener à bien nos activités opérationnelles et de «compliance» [conformité].

    L’essor de la blockchain et des actifs numérique est très récent. Parvenez-vous à trouver suffisamment d’employés déjà formés?

    En Suisse, une vingtaine d’établissements d’universités et de hautes écoles spécialisées offrent déjà des formations dans ces domaines. Et selon l’entreprise Crypto Valley Venture Capital (CV VC), les sociétés qui forment la Crypto Valley [dont l’épicentre est à Zoug], emploient environ 6000 personnes; en outre, l’écosystème suisse de la blockchain compte déjà plusieurs licornes, c’est-à-dire des start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars.

    En comparaison internationale, la Suisse est donc en bonne position quant à la présence de talents. Et si certaines compétences ne sont pas disponibles localement, il n’est pas spécialement ardu de les attirer de l’étranger. D’ailleurs, une vingtaine de nationalités sont représentées dans notre banque.

    Au sujet de votre financement, quels montants avez-vous déjà levés? Avez-vous procédé par le biais «Initial Coin Offering» (ICO) ou «levées de fonds en cryptomonnaies»?

    Nous avons levé environ 230 millions de francs en trois rounds. Nous l’avons fait d’une manière complètement classique en émettant des actions libellées en francs suisses. Mais, dans une deuxième étape et pour assurer une gestion administrative plus efficace, nous avons numérisé nos actions et nous les avons placés sur une blockchain.

    «Nous avons levé environ 230 millions de francs en trois rounds de financement»

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    FTX, une bourse majeure de crypto-monnaies, a récemment entamé un processus de faillite. Un tel effondrement aurait-il pu avoir lieu en Suisse?

    FTX, basée aux Bahamas, était une organisation non réglementée. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur cette organisation et sur les événements qui ont conduit à cette situation. La réglementation peut certainement réduire les risques mais, dans le monde des affaires, il n'y a pas de garantie de succès, surtout si un modèle d'entreprise ne s'avère pas durable et sûr.

    Dans quelle mesure êtes-vous affectés par les récentes faillites de Signature Bank et Silicon Valley Bank ainsi que par l'acquisition de Credit Suisse par UBS?

    Tous nos services bancaires ont fonctionné sans discontinuité et nos clients n'ont pas été affectés. Nous observons même une demande croissante pour nos services dans le monde entier. Par exemple, dans tous nos bureaux, à Singapour, Hong Kong, Abu Dhabi et Zoug, le nombre de demandes d’ouverture de comptes a augmenté à la suite de ces événements.

    En outre, le cours du bitcoin s'est raffermi. Cela suggère que les investisseurs sont peut-être à la recherche d'investissements alternatifs, c’est-à-dire hors du système financier traditionnel. En tant que crypto-banque avec plus de trois ans d'expérience, nous sommes bien placés pour tirer parti de ces développements.

    Concernant la réglementation de la crypto-finance, où se situe la Suisse en comparaison internationale?

    Il est certain que la FINMA et d’autres instances ont fait de gros efforts pour contribuer à bien réguler ce nouveau domaine. On peut donc vraiment affirmer que la réglementation suisse est à l'avant-garde. En plus, dans le canton de Zoug, il est même possible de payer une partie de ses impôts en bitcoins.

    Les régulateurs à Singapour et à Hong Kong sont également très actifs mais je ne pense pas qu’il faille les considérer comme des concurrents. Idéalement, nous aimerions assister à une certaine harmonisation internationale de la régulation dans notre branche. Une première étape serait l’adoption de définitions communes pour des notions aussi fondamentales que «cryptomonnaie» ou «actif numérique».

    Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

    En conformité avec les normes du JTI

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    Author: Timothy Moore

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