Golden boy de l'industrie de la cryptographie et un donateur majeur du Parti démocrate, Bankman-Fried a vu son vaste empire commercial et politique s'effondrer à une vitesse époustouflante.
Il y a quelques mois encore, il était l'un des plus jeunes milliardaires de la planète. Ce mardi, Sam Bankman-Fried, le jeune fondateur de la société FTX, entame un procès d'ampleur à New York. Du messie de la finance à l'ange déchu de la crypto, itinéraire d'un crash prévisible.
Sam Bankman-Fried a davantage la tronche d'un garçon de chœur ou d'Albert Einstein que d'un démon. Pourtant, c'est bien ce trentenaire aux boucles indisciplinées, joues rondes de bébé et éternels sweats trop larges que les enquêteurs sont allés cueillir, un jour de décembre 2022, dans son complexe d'appartements d'Albany, station huppée des Bahamas. En quelques jours, Sam Bankman-Fried a vu sa société imploser et la quasi-intégralité de sa fortune s'envoler. Sa réputation de génie en couverture de Fortune est devenue celle du grand méchant de toute une industrie.
Ce mardi, le procès du fondateur de FTX, 31 ans, débute à Manhattan. «SBF», ainsi surnommé, fait face à sept chefs d'accusation, dont fraude électronique et blanchiment d'argent. S'il est reconnu coupable, il risque la prison à perpétuité.
Du geek timide du MIT au trader de New York
Comme le veut la formule consacrée, rien ou presque ne prédestine Sam Bankman-Fried, «SBF» pour les intimes, à hanter les nuits de ses investisseurs. Né en 1992 de l'union entre deux profs de Stanford, le jeune Sam est l'archétype du brillant élève un peu solitaire, accro aux jeux vidéos et de cartes.
«En 2019, c'était une personne timide, excentrique et geek»
Chris McCann, associé de Race capital, l'un des premiers investisseurs de FTX
En parlant de ses parents...
Brillant élève, Sam se spécialise en physique au prestigieux Massachusetts institute of technology (MIT). C'est là, sur Harvard Square, lors d'un déjeuner Au Bon Pain, qu'il va faire une rencontre déterminante: Will MacAskill, jeune philosophe d'Oxford, avec lequel il se lie d'amitié. Son camarade lui pose les bases de l'altruisme efficace (EA), mouvement philanthropique dont le leitmotiv se résume par un mantra assez simple.
Selon cette philosophie, les individus devraient maximiser leur impact positif sur le monde en gagnant beaucoup d'argent, avant de mieux le redistribuer à de bonnes causes. Après tout, pourquoi pas. Devenir banquier d'affaires peut s'avérer tout aussi efficace que d’œuvrer dans une ONG.
Au sein de cette communauté soudée d'EA, Sam se trouve une fraternité de supergeeks qui aiment la magie, les maths et les débats sur des problèmes de physique quantique ou d'informatique. Le tout, arrosé de soirées sans alcool et sans viande - Sam est un vegan convaincu.
De la star-up californienne à l'empire de la crypto
En 2013, le jeune Sam débarque à Wall Street. Le physicien de 21 ans n'a jamais caché son appétit pour le risque. Pour se faire de l'argent, beaucoup d'argent, il en est conscient: il doit toujours se placer à un jet de pierre de la faillite. Le problème? Ce n'est pas tout à fait le mantra de Jane street capital, le prestigieux cabinet qui l'a embauché et qui applique, lui, le «risque neutre». Alors, SBF laisse tomber la Bourse classique pour son fief californien de Berkeley, berceau de toutes les nouvelles technologies et autres start-up assoiffées de gloire et de fortune.
Dans toute la Silicon Valley raisonne ce nom étrange: crypto. Sam y voit une opportunité à saisir. Soutenu par une quinzaine d'amis convaincus et 50 000 dollars de fonds personnels, il fonde sa société de négoce de cryptomonnaie, Alameda research.
«Alameda, c'était des enfants dans une opération commando à gros enjeux, à gros sous et à gagner»
Adam Fisher, journaliste de la Silicon Valley et ami de SBF
Premier siège social: une maison en location de 180 mètres carrés, équipée de bureaux et d'ordinateurs achetés sur Amazon. La moquette est constamment jonchée de plats à l'emporter à moitié entamés. Pour glaner quelques heures de sommeil sur des journées de travail de presque 24 heures, on se contente d'un placard ou d'un pouf.
Deux ans plus tard, l'entreprise génère suffisamment de bénéfices pour que Sam Bankman-Fried lance FTX, qui facilite l'achat et la vente de devises numériques. L'attrait de cette société fraîchement déménagée à Hong Kong est assez simple: permettre aux investisseurs des transactions plus aventureuses, mais à fort effet de levier.
Pari risqué, mais pari tenu. En moins de trois ans, FTX se transforme en petit mastodonte de 300 employés et se hisse au troisième rang des échanges de crypto les plus volumineux du monde: 9,4 milliards de dollars par jour en moyenne.
Sam Bankman-Fried n'a même pas 30 ans, mais pèse déjà 22,5 milliards de dollars. Adieu l'étudiant geek et timide. Il se mue en une personnalité publique «délicieusement excentrique», qui s'exprime avec calme et inspire confiance. Fidèle à sa volonté de révolutionner le monde, Bankman-Fried fait aussi des vagues dans le sérail politique américain. Bien qu'il fut l'un des plus importants donateurs de la campagne présidentiel de Biden en 2020, il n'a jamais rencontré le président des Etats-Unis.
«J'adorerais lui parler de la réglementation de la cryptomonnaie. Mais je pense qu'il s'en fout»
Samuel Bankman-Fried
En 2021, SBF déniche un nouveau cocon pour sa prolifique société: ce sera Albany, dans les Bahamas, spot de golf apprécié de l'élite américaine et qui offre à ses résidents une législation bien plus souple que les Etats-Unis en matière de trading.
Dans cette «communauté de villégiature de luxe», fondée en 2010 par Justin Timberlake et Tiger Woods, le trentenaire achète une maison à 16,4 millions de dollars pour ses parents. Pour lui, ce sera un somptueux complexe d'appartements à 40 millions, qu'il partage avec neuf colocs/collaborateurs.
«De toute évidence, c'est un endroit où il serait ridicule pour moi de vivre seul»
Sam Bankman-Fried.
S'il n'abandonne pas pour autant sa Toyota, ses t-shirts informes et ses baskets, le patron de FTX ne lésine pas sur les dépenses: vaste parc immobilier, rachat du club de basket de Miami, voitures de fonction avec chauffeur pour tous les employés, colis importés par jet privé.
«Sam Bankman-Fried était le diable dans des vêtements de nerd»
Un directeur de BlockFi.
«C'était un peu la folie. Si Sam disait OK, c'était bon à prendre. Quel que soit le montant», confie un employé au Financial times. «Je n'avais jamais vu autant d'argent de ma vie. Comme tous les salariés à mon avis, y compris SBF.»
L'arche de Noé prend l'eau
En surface, FTX semble prospérer et se pose comme «l'arche de Noé pour les start-up en difficulté», en renflouant d'autres entreprises de crypto défaillantes. Pour garder les investisseurs enthousiastes face à la fragilité des cryptomonnaies, SBF s'affiche dans des pubs avec Gisele Bündchen et y va de son message rassurant sur Twitter. FTX va bien, insiste-t-il. Pas d'inquiétude à avoir.
En réalité, son empire numérique se noie lentement sous les dettes.
Les choses s'accélèrent le 8 novembre 2022. Un bilan fuite et révèle des irrégularités. FTX n’est plus en mesure de reverser à ses clients l’argent qu’ils lui ont confié. Inquiets, les investisseurs se ruent pour retirer leur fortune.
Le hic, c'est qu'il n'y en a plus.
Trois jours plus tard, FTX dépose le bilan et Bankman-Fried sa démission du poste de directeur général. Malgré l'effondrement, il n'en reste pas moins bavard. Le 30 novembre, lors d'une conférence organisée par le New York Times, le patron déchu se dit «profondément désolé». Pas de fraude ni de détournement de fonds qui fassent: la faillite de FTX n'est que le résultat d'«énormes échecs de gestion» et d'une «comptabilité bâclée».
Les interviews à répétition ne suffiront pas pour convaincre les autorités financières américaines de l'innocence de Sam Bankman-Fried, volontiers comparé à Bernard Madoff, à l'origine de la plus vaste pyramide de Ponzi que le monde ait connu.
Cette semaine, le procès de Sam permettra de juger de la pertinence de cette comparaison. Les deux hommes ont toutefois un point commun: comme toutes les histoires merveilleuses d'enfants milliardaires, elles semblaient trop belles. C'est probablement parce qu'elles sont vraies.
Author: Tina Morris
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